samedi 29 avril 2017

Les Vagues de Virginia Woolf [Théâtre]


Je suis allée voir une adaptation théâtrale du roman Les Vagues de Virginia Woolf. Le spectacle était présenté par l'Atelier hors champ au THV (Théâtre de l'Hôtel de Ville) à St-Barthélemy d'Anjou. Avouons-le, il y avait peu de chance que cette pièce de théâtre ne me plaise pas. En effet, depuis que j'ai découvert Virginia Woolf grâce à Maureen Wingrove alias Diglee l'année dernière j'adore profondément cette auteure. J'ai déjà lu Voyage au Phare, Une Chambre à soi, Trois Guinées et son Journal d'adolescence. Je n'avais donc pas lu Les Vagues mais je vais le faire tout prochainement pour retrouver la beauté de ce texte (par ailleurs trop complexe pour que je retienne des citations au cours de la représentation).  

Le pari était cependant très risqué. De fait, adapter Virginia Woolf au théâtre est très risqué. Effectivement dans ses romans comme Voyage au Phare, les pensées des personnages sont insérées subtilement à une description des lieux et les dialogues sont rares  (en tout cas dans mes souvenirs). Il fallait donc réussir à transposer au théâtre un roman où il ne se passe factuellement quasiment rien et où les personnages parlent a priori très peu. Ici ils parlent mais c'est comme s'ils pensaient car les longues tirades ne sont finalement plus que des espèces de monologue et il semble que la plupart du temps personne ne s'écoute. La troupe a également eu recours à un dispositif vidéo qui  permet de combler l'impossibilité d'une description. Ce choix est extrêmement réussit puisque les images sont pleines de poésie et esthétiquement très belles. Certaines images sont même filmées en directe. Un cameraman filme, au début de la pièce et vers la fin, la table autour de laquelle se sont réuni les personnages. L'éclairage est très impeccable et met parfaitement en relief la multitude d'objets posés en désordre sur la table. Celle-ci semble prendre relief et "devient paysage". Lorsque la table est à nouveau filmée vers la fin de la pièce, des personnages la recouvrent de branches d'un vert sombre, tel la marée viendrait effacer les traces de la journée qui vient de s'écouler, viendrait mettre un terme aux fragiles liens que les personnages avaient commencé à construire autour de cette table - de fait l'on comprend qu'en l'absence de Perceval ils ne se reverront surement jamais plus -. De plus, le metteur en scène a joué sur le son pour accompagner la vidéo et rendre compte de ce qui devait être des descriptions de vagues, de tonnerre...  Le déplacement de hauts panneaux verticaux plus ou moins opaque participe à la création d'une impression de confusion et de panique. Enfin, les voix des comédiens subliment la poésie du texte. 

On ne comprend pas tout mais peu importe. L'essentiel tient dans la beauté des mots et il suffit de se laisser porter par eux. La brochure donnée à l'entrée du théâtre décrit les romans de Virginia Woolf comme "des tableaux impressionnistes des méandres de l'âme". Les comédiens et l'équipe technique ont su rendre parfaitement cette capacité de l'écrivaine britannique à nous faire ressentir de manière extrêmement réaliste les sensations de ses personnages tout en ne donnant quasiment aucun détail factuel. 

Quand les comédiens viennent saluer on se sent étrangement morne et abattu. Le flot de mots si exaltant s'est tu. On revient péniblement à la réalité, dans cette petite salle où trop de sièges sont restés vides. On regrette qu'il n'y ait pas eu plus de personnes pour apprécier la beauté de ce moment, pour être soulevé et heurté comme nous par ces vagues de mots. On voudrait faire tellement plus pour remercier les comédiens que simplement applaudir. Ces applaudissements semblent trop faibles. On voudrait se lever mais on ose pas. On voudrait aller leur dire à quel point ce qu'ils ont fait nous a touché mais notre mère attend dans la voiture. 



(dessin: diglee // photo : site du THV)

dimanche 23 avril 2017

Chicago : City of extremes by Stanley Kubrick [Exposition]

Je suis allée voir l'exposition Chicago: City of extremes de Stanley Kubrick. Cette exposition avait été lancée lors de la Semaine Américaine organisée par l'Institut Franco-américain de Rennes. Je n'avais pas pris le temps d'y aller au début, si bien que j'y suis allée l'avant-dernier jour de l'exposition. Les photographies présentées sont très belles et à la première approche, une atmosphère étrange et mystérieuse s'en dégage. Cela m'a donné encore plus envie d'explorer Chicago (ce que je ferais l'année prochaine) et d'en apprendre plus sur l'histoire de la cité des vents. Toutefois, il s'agissait de reproductions et je pense que cela enlève un peu de son charme à l'ensemble.


Pour rentrer un peu plus dans les détails, les photographies présentées datent de 1949 et ont été publiées dans Look Magazine. Elles sont très diverses mais révèlent toutes le caractère extrême de la ville, de ses habitants et au-delà du pays. On commence l'exposition par des plans larges de la ville et surtout du métro. Puis tout un pan de l'expo est consacrée à un match de lutte où la folie du sport transparaît à la fois sur le visage des lutteurs et sur ceux des spectateurs. Puis on continue avec des photos d'écoliers blancs aux regards déstabilisants. Ils ont l'air hébétés ou contrariés. Ensuite viennent des photos d'appartements insalubres, habités principalement par des afro-américains. Suivent des photos de couturières et de mannequins. Puis des traders. Et enfin à nouveau des plans de la ville, plutôt des plans moyens si je me souviens bien. Stanley Kubrick nous parle donc à la fois des inégalités de niveau de vie à Chicago en opposant le luxe (monde du mannequinat, bourse) et la grande pauvreté (logement insalubre). La folie des hommes est doublement présente avec les photos de lutte et au sein du Chicago Board of Trade (Bourse de commerce). Les photos pleines de féminité dans le monde de la mode répondent à la virilité des images de lutte. Les regards des afro-américains font échos à ceux des enfants blancs à l'école. Quand on essaye de visualiser l'expo dans son ensemble, tous ces visages très expressifs contrastent avec les photos de la ville, qui ouvrent et closent l'exposition. Une ville qui parait presque inhumaine de par ses dimensions et les nouvelles technologies qu'elle mobilise. Enfin, ces représentations des extrêmes sont habilement renforcées par le choix du noir et blanc qui créer d'autant plus de contrastes.


Les photographies qui m'ont le plus plu:
  1. View from street level of the "L" elevated railway in Chicago, Illinois
  2. Men, probably commuters, walking along a platform next to a train
  3. People ariving at a Chicago theater for show starring, in person, Jack Carson, Marion Hutton, and Robert Alda
  4. Young girl seated at desk in classroom in Chicago, Illinois
  5. Woman seated in chair while another woman models a dress
Crédits photos: Library of Congress